c’est de nouveau l’heure

Samedi 10 Novembre 2018
... du matin noir qui nous ferait penser que la solitude est la meilleure chose au monde—si ce n’était le son épisodique du trafic sur la petite place en contre-bas de chez moi. Les secondes glissent pareillement : régulières et discrètes. C’est de nouveau l’heure feutrée—qui, à pas de chat, vient nous éveiller. Les moteurs parfois vrombissent déjà : une ébauche de nous-même(s) dans quelques heures, quand on ne s’appartiendra plus. Là, je suis vraiment avec moi. Avec toi—parce que tu es là (à nouveau), si “feu” de moi.
L’heure encore “noire” entend tes récits quand tu ne sais plus si tu sommeilles. Et moi, je me cale à ta voix. Alors j’entends la mienne, intérieure, qui me dicte ce que je dois taire de toi. Le ciel ne s’éclaircira, et peut-être ne s’embrasera, que lorsque nous nous approcherons de ce vers quoi “nous tendons” : un faire monde pour “nous-mêmes” comme un art de la finalité de soi. Ce matin, le ciel ne m’embrasse pas encore ; trop de nuit—en trop lourde mesure. Mais le rose, et le orange, viendront bientôt me conforter... dans le faire-monde avec toi. Dans la foulée, je me lèverai ; le courage me saisira ; et les cuirasses tomberont. Le coeur frais, je jaillirai dans mon action, vive comme une source, neuve comme le jour. Ma naissance sera totale—fatale à mon inertie, à mes glissements et autres figures de plomb. Je me tiendrai droite—telle une guerrière de la “voie du milieu” : ni trop mystique, ni trop citadine ; ni trop intérieure, ni trop extérieure ; ni trop exploratrice, ni trop génératrice. Droite pour les autres. Et je m’allumerai comme un phare par marée haute et grand vent. Téméraire face aux éléments, hermétique aux illusions, franche dans le don. ... Simplement parce qu’au matin, tendre et abrasif, le ciel rose-orangé m’aura embrassée .)

L'horizon de mon amour.

Voilà comment bien “se lever”. Le vivez-vous aussi ? Parfois, dans votre intimité ? Aimez-vous contempler la manière dont le jour vous arrive, dès l’aube annoncée ? Prendre le temps de la voir imperceptiblement arriver, se profiler, avant d’entièrement “se donner” ? Ses nuances éprouvent le cocktail de mon âme dans son semi-conscient. Je ne suis que “délicate” dedans. Et plus les couleurs s’affirment, plus ma force se dessine—telle une dentelle incisive. Ce moment est bref. Le saisir n’a pas de sens. En vouloir trop serait le détruire. ... Demeurons donc lié(s) au seul changement, à la seule gradation qui déroule le temps de maintenant. Et percevons. Avec nous-même, un instant, ressentons. Notre sensitivité s’éveille dès lors que nous sommes attentifs à “ce qui survient” dans toute la palette de sa définition. C’est ce qui nous rend “relié(s)”, ce qui nous injecte sensiblement dans “la relation”—la clé du monde.
Mes matins d’écriture me rendent à la brèche du temps vivant, relationnel et aimant. “Je ne m’égare” que pour diversifier les textures de mes champs de perception, que pour raffiner ma présence dans l’être éclatant. C’est mouvant ; c’est fracassant ; c’est frissonnant : ça se dilate, ça s’écarte et ça rayonne. Mes matins sont habités de cela. Un “vol” très au-dessus de l’ordinaire, totalement époux de la terre. Je me rends à “mon Soi”—qui descend selon la nature exacte de ce que je suis “moi” à cette seconde-là. Je “Le” rencontre comme on s’introduirait tout entier dans une prise de courant pour se synchroniser avec le vivant, avec son intention—émergente et fondamentale, naturelle et “bonne”.
L’écriture est ma Sadhana quotidienne—que je déploie touche par touche sur le clavier, et non que je lis ou récite dans la religiosité du mâlâ. Je peux faire les deux. Les deux sont une prédisposition à bien commencer sa journée : à s’écouter sur les plans supérieurs pour mieux “se féconder” de l’intérieur. “Me lire” ainsi chaque matin développe en moi un désir de justesse et d’approfondissement à chaque sollicitation de l’altérité durant les heures qui suivront. Mon regard sur l’autre sera en effet le même que le mien propre en moi-même. Question de rapprochement, de proximité, d’amitié avec soi-même, et avec l’autre : Maitri, Bodhicitta... Voie aimée du Mahayana .)
La “petite heure”—qui ici ne s’est toujours pas levée, me permet l’entrée dans mon humanité. En douceur, en ferveur. Lenteur et pénétration. Je m’accepte en tant qu’humaine ; je dis “oui” au phénomène contrasté que je suis ; je me rends transparente en moi-même (comme un effacement de l’égo), afin de résonner avec “ma rencontre” multiple tout au long de la journée.
Peut-être sera-ce vous ?... qui me lirez. J’aurai tenté de “me diffuser” de belle manière... pour qui sait, infuser une part d’authenticité et l’arôme du détail dans ce monde parfois poreux, mais non-éternel.
J’ai l’aube dans la tête.

akmi, 10 nov. ‘18 - 7h05

Commentaires