écrire... quand on ne sait plus trop quoi “écrire”...


Mardi 29 Mai 2018
Le besoin est là en tant que “process”, mais les contenus sont devenus vides. Il faudrait savoir s’arrêter... mais l’élan se fait toujours sentir. Et réprimer un élan demande de l’énergie ! Une énergie rétro-jectée en sens opposé—qui vienne contrarier le naturel de la pousse. ... Je ne veux pas venir contrarier, perturber, chagriner, étioler, tuer !... “ma pousse”. ... ! .)
Alors, je continue bien volontiers dans le vide d’écritures automatiques sans amorce, ni but véritables. Et cela n’a aucune importance. .. . Cette liberté que je m’octroie est ce qui me rend “épanouie”, détendue, voire heureuse. Peut-être bien que je bascule alors dans le “hors-concept” (qui me fait défaut bien trop souvent) ? Au sein des concepts, on se structure des lignes de force comme des armatures de bâtisses que l’on croit montées au ciel, alors qu’elles butent au plafond. ... Au sein du “hors-concept” (si celui-ci nous est rendu ici-bas accessible ?), soit on divague maladivement dans le mou ; soit on existe sans tension dans le diaphane.
Exister. Exister, c’est sans doute ne plus rien “vouloir”, ni même “voir”. Ne plus respirer et décrire que le jeu de ce qui passe incessamment sans laisser de trace. Sans tourbillon, sans vent, sans mouvement, comme d’un point de vue qui n’est pas. S’extraire, non ; mais devenir simplement transparent dans le flux. La transparence, on en a peur : parce qu’on craint qu’elle ne soit pas remarquée, et qu’elle finisse par nous faire disparaître aux yeux de l’autre ! ; mais la transparence quand elle est, existe doublement—parfaitement indescriptible et totalement présente.
Je ne suis ni tout à fait “transparente” (je le sais), ni tout à fait “pas transparente”... .) Je me trouve être encore “colorée” !... colorée des concepts qui me lient à moi-même en tant qu’humaine—comme de profondes fondations creusées dans la terre, à la fois trop meuble et trop ferme pour les accueillir pleinement. Tracer mon espace dans le temps (au crayon, à la règle, à l’équerre, au rapporteur et au compas) est mon outil principal de mentalisation pour inscrire ma sécurité, et tenter de révéler “une forme”. Parce que “faire un bébé”, c’est enfanter d’une forme. Parce que la Création se trouve peut-être bien en cours de cela également. Parce que je me fonds en Elle, et nie quelque part aussi l’importance de mon destin personnel.
Mais, bienheureuse nouvelle, je peux “me sortir” de cela : et décider de gommer tous les tracés !... pour que ne demeurent que les fragiles couleurs, désormais dépourvues de leurs frontières sombres et grasses ; désormais juste globalement auto-organisées selon leurs nécessités et symbioses propres. Ma définition de la Vie ! Toute en couleurs associées. Une libération ! car les couleurs sont des vibrations—éprouvées à partir des perceptions sensorielles et émotionnelles, et non des concepts—émanant de la seule cérébralité coupée du corps. Les remontées corporelles—physiologiques, corrélées à leur type de sensitivité particulière, complètent l’expérience subjective intégrale, personnelle et unique du sujet (—qualité expérientielle que j’appelle “quale”). Les “qualia” incarnés sont ce qu’il reste d’expérience vécue quand le tracé des fils conceptuels a disparu au profit... de rien : au profit de l’émergence intrinsèque, auto-constituée et colorée, de l’expérience elle-même.
Basculer dans l’expérience elle-même, directe—ou y revenir... sans plus de tracés externes, c’est savoir se servir de l’apprentissage tutoriel des “trainings au tracé” pour désormais vivre selon la connaissance interne des Lois—mais sans plus jamais ouvertement de l’extérieur s’y référer.

Francisco Varela a d’ailleurs écrit tout un ouvrage sur ce sujet : “Quel savoir pour l’éthique” - La Découverte, 1996 (“Ethical Know-How. Action, Wisdom, and Cognition.” - Stanford University Press, 1999). 

“Ce livre part de l'idée que l'éthique de l'action humaine se rapproche plus de la sagesse que de la raison : il s'agit de mieux comprendre ce qu'est être bon plutôt que d'avoir un jugement correct dans des situations particulières. Les sciences cognitives redonnent aujourd'hui une valeur centrale à l'agir immédiat, à savoir les situations où une action adéquate émerge d'une circonstance particulière - et ce en contraste avec la tradition selon laquelle l'abstraction et le raisonnement sont au centre des activités cognitives. L'auteur examine ainsi le rôle de l'immédiateté et de la spontanéité dans la vie cognitive. Ce dépassement de la vision rationaliste de l'agir trouve une résonance dans le champ éthique avec la philosophie pragmatiste et les traditions de sagesse. Plutôt que de rechercher ou d'édicter des normes du juste ou du bien, une éthique pragmatique doit retrouver nos capacités d'action incarnée et les cultiver à partir du quotidien jusqu'au niveau d'une sagesse. L'auteur confronte cette approche aux grandes traditions de sagesse orientale - le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme. Dans ces traditions, l'homme vertueux, l'expert en éthique, n'agit pas d'après un ensemble de règles morales, mais incarne plutôt un « savoir faire ».”


Je ne saurais mieux écrire. ... . Lisez Varela .)

akmi, 29 mai ‘18 - 10h19

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