la montée du “petit”


Mardi 24 Avril 2018
On a toujours tendance à sacrifier le “petit” : le moins actif, le moins glorieux—leader ou entreprenant ; le plus fragile, le plus sensible—réceptif ou malléable. On a toujours tendance à élire ce qui a de la valeur, de la grâce et du panache, au détriment de ce qui souffre, peine et se traîne, ou de ce qui “donne” simplement. Mais l’Arbre ne se collusionne pas à cela ; il n’adhère pas à la Loi du “plus fort” ou du “plus grand”. L’Arbre défend l’équanimité—l’égalité d’âme et d’humeur en tout et à propos de tout. L’Arbre défend l’équilibre et la justice d’un “vivre ensemble” où chacun trouve sa place pour ce qu’il est vraiment—dans sa forme présente, mais avec toutes les chances d’évolution, sans oppression. Ce sujet, encore une fois “tao”, est finalement éminemment politique (et féministe) .)
Dans le Yi King, quelle est la place réelle de K’ouen (le yin—qui reçoit) par rapport à Kien (le yang—Créateur) ? Nous faut-il accepter de “jouer” les K’ouen ? ou nous faut-il “nous révéler” en Kien ? N’y a-t-il pas dès le départ un biais implicitement tronqué ?... .

Petit rappel sur les bases du Yi King

Kien, dans le Yi King, c'est la force générée par les astres—en particulier par le système solaire, d'où sa maîtrise sur le ciel. Les traits “yang” correspondent à une forte poussée—dans tous les sens, mais surtout vers le haut (par rapport à l'homme), d'où la manifestation, la positivité, l’avancement, l’élévation.
  • Persévérance, réussite, accord du temps, fermeté, activité : Force.
K’ouen, dans le Yi King, c'est l'extrême réceptivité, femelle (un symbole utérin et vaginal). C'est la terre, le yin, le don de soi (qualité féminine par excellence). On ne possède pas la femme comme on le croit généralement, c'est la femme qui possède le mâle, l'homme, le sperme, ce qui, du fait de la fécondation, fait passer l'état de germe à l'état de manifestation. La fécondité du 2 s'allie aux possibilités multiples (en germe) de l'Unité (1 + 2), pour produire tous les êtres.
  • Engendrement, commencement, développement. Passivité, douceur, énergie. Concorde, diplomatie : Substance féconde qui va produire, être animée.
K'ouen et Kien sont complémentaires, car aucun hexagramme n'est supérieur ou inférieur à l'autre. Ils ne peuvent simplement pas se concevoir l'un sans l'autre.

Dans leur livre du Yi King, Richard Wilhelm et Étienne Perrot écrivent :

“En soi, le Réceptif est naturellement aussi important que le Créateur, mais l'attribut de “don de soi” définit la place que cette vertu primordiale occupe par rapport à la première. Elle doit être placée sous la conduite et l'impulsion du Créateur ; elle produit alors d'heureux résultats. Mais si elle sort de cette place et veut marcher aux côtés du Créateur et à égalité avec lui, elle devient mauvaise. Il s'élève alors entre elle et le Créateur une opposition et une lutte qui produisent des effets néfastes pour l'un et l'autre”.
Mais qu’on se rassure de suite ! Nous avons tous en nous du Kien et du K’ouen. Nos attributs physiques premiers (mâle ou femelle) ne nous résument, ni ne nous définissent pas intégralement d’office : nous sommes bien tous, nous les créatures (humaines), une alchimie créatrice Kien fonctionnant sur un substrat K’ouen. Et c’est la nature du substrat que je défends. Car sans lui : pas de forme(s) en devenir, pas de transformation du germe unitaire en manifestation animée. Sans ce substrat : “rien”. Ce substrat—partie complémentaire du Créateur, et partie intégrante du Tout (permettant l’expression du Tout dans son évolution formelle intestine), sait être un humble et fier “serviteur”. Ce substrat accueille et se conforme : en cela, il accomplit son Dharma (sa mission) et fait pleinement partie de la Résolution Finale.
Les solutions du Réceptif K’ouen sont dites “ascendantes”. Tandis que les solutions du Créateur Kien sont dites “descendantes”. Les deux se rencontrent, se conjuguent, s’harmonisent, et finissent par produire “le créé”. Sinon, nous n’aurions que de “l’in-créé”. L’Arbre met en avant ce processus à double sens—qui fait s’enrouler la genèse du manifesté. L’Arbre exprime tout son attachement à ce que l’intégralité des composantes d’une réalité (les dominatrices, autant que les soumises) soient reconnues comme nécessaires à l’émergence de l’ensemble. Dans la réalité holistique, le Tout est supérieur à (ou de nature différente que) la somme de ses parties. Mais chacune des sous-parties concourt à la réussite de la création globale—laquelle peut faire muter l’alchimie générale en d’autres dimensions.
L’avénement de “la sentience”, puis de “la conscience”, dans la phylogenèse des espèces doit répondre de ce principe. Sous la pression descendante constante de l’information (de l’âme ou de la psyché), l’auto-organisation accrue de l’organicité des organismes—ascendante donc, a permis la formulation progressive des facultés dites “sentientes”, puis “conscientes”. Le corps s’est adapté pour que l’esprit se fraie un chemin en lui : et pour cela, on peut dire que dans le même temps, il s’est aussi auto-organisé au sein de ses environnements d’enaction successifs. Pourquoi mettre en opposition les deux “routes” de développement ?... alors qu’elles peuvent fort bien fonctionner ensemble—par co-contrainte mutuelle.
Voilà, je défends “le corps”—l’humble serviteur, le petit... pour que rien ne vienne le sacrifier au profit du seul “esprit”. Ma spiritualité d’origine étant “chrétienne”, je pense qu’il n’est pas anodin de penser que le rapport à la “chair ressuscitée” est important pour moi. Pas une chair comme vous et moi. Une autre qualité énergétique... vibratoire—que l’on ne connaît pas. Pour rendre justice à tout ce qui participe de la Genèse encore actuelle, il me paraît nécessaire que “la matière” soit reconnue comme l’élément fécondant de la Résolution Finale : l’Oméga. Et qu’elle soit intégrée à Lui. ...

akmi, 24 avril ‘18 - 17h41

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