l’Arbre de ma vie


Octobre 2016
“Le feu ne vous fait mal que là où vous devez changer.” ~ Dialogues avec l'Ange, Gitta Mallasz
“L'homme ne crie que lorsqu'il ne comprend pas ; celui qui a crié n'a rien compris.” ~ La Montagne de l'Âme, Gao Xingjian
“On peut être éveillé et être comme un nouveau-né.” ~ Folle Sagesse, Chögyam Trungpa
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A mes parents.
A tous ceux que j’aime et qui ne m’écoutent pas .)
A Michel.
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Avant-Propos

Pourquoi entreprendre l'écriture d'un tel recueil de pensées ? Pourquoi prétendre à une telle ambition ? Non pas une ambition sociale, mais bien personnelle : ce qui sera couché sera transmis. Ai-je peur de mourir avant de n'avoir pu m'exécuter ? Tout d'abord au regard de moi-même. Oui, dans la mesure où je m'attends à être incomprise et raillée—pour ma si grande prétention à imaginer pouvoir concerner les gens à partir d'un travail cumulant toutes les erreurs : singularité ego-centrée, ésotérisme inavoué, salade syncrétique, verbiage abscons, élucubrations non-maîtrisées, intentions douteuses, mal-être sous-jacent, recherche de “ce qui n'a pas de nom”, hypocrisie de surface, …
Je redoute les coups. Je préfère donc les précéder et courber l'échine à temps. Je m'arme de courage et dans un premier temps, “j'écris pour moi”. Pourquoi donc, je fais cela ? Parce qu'il me semble avoir rassemblé “les éléments”, les briques d'un puzzle intérieur / extérieur qui fait sens—d'une manière intégrée, inspirée autant que structurée. Parce que la plongée interne dans ma vie a eu le temps de se poser et de s'élaborer (par chance !) ; parce que les liens avec le visible et l'invisible—et entre eux, se sont tissés ; parce que “ma vie” au milieu a pu s'immerger et remonter, et regarder, et investiguer et “mettre en relation”. Parce que “ma vie” en fait, ce n'est que cela. Un tout petit “cela” comme en écho à ce que j'aurai croisé, pénétré, transpercé, dépassé. Je fais le point.
Développer la matière de ses visions, leur gradation dans le temps—leur flou encore et leur saillance déjà, c'est comme tracer un mandala : une architecture formelle éphémère vouée à sa disparition, à sa “réduction” aussi—au sens transcendantal et/ou phénoménologique *1. Ce petit “schéma de vie” n'aura donc qu'un temps d'exercice sur terre ; sa manifestation est mortelle. Le sens que je lui donne et que je vis, par contre,­ lui est immortel : flottant dans une a-temporalité—inconnue de nous, mais dont on peut supposer qu'elle “nous pilote” aussi. Mon impression est qu'un bout de cette a-temporalité s'est avancé là devant moi sur le chemin des circonstances et des rencontres. Qu'elle s'est donnée à lire—pour “venir au monde” dans une accessibilité médiane. Ni populaire, ni scientifique, ni complètement explicite, ni complètement obscure. Incarnée et poétique—pourrait-on dire. Marquée par l'identité d'un cheminement privilégié : économiquement protégé, affectivement sur-sollicité, intellectuellement curieux—même si sélectif, et spirituellement initié. Le karma m'a orientée dès la naissance sur cette voie. A ce stade de regard et d'introspection, ma résolution de vie est “mon Arbre”.
Les influences sont si diverses. Elles se croisent et s'entrecroisent en un écheveau complexe—dont désormais je ne vois plus que la liane maîtresse—principale nécessité vitale de mon argument en cours.
  • Quelle est-elle ? : la re-construction / ré-appropriation de son “unité humaine” sur le fil du temps—plus ou moins vivant, rythmiquement imprécis et lent, ou plus haletant et saccadé. Je ne sais à quel “temps” j'appartiens. “Mon temps” sinue entre les entrelacs de mes respirations, de mes décisions, de mes choix, de mes arrière-plans—mentaux, émotionnels, sensitifs et moteurs. Mon “unité” est faite de toutes ces superpositions—qui se chevauchent, ripent ou s'harmonisent simultanément à tous les échelons de moi.
  • Quelle est-elle ? : c'est une question. … De quelle manière “entrer en résonance”—en soi-même, avec l'autre que l'on aime, avec celui inconnu qu'on appréhende, avec les donnes de sa propre existence, … avec son pays, avec sa planète, avec son univers, avec l'univers—la Création ? Comment subtilement capter tout ce qui fait “nous”—nous nourrit et nous porte à notre insu ? Comment rejoindre “l'essence de nous”—en son incarnation primordiale, dénudée, sans douleur à-vif, sans faux-semblants—”pour de vrai” : l'inconscient. …
Il y a donc l'exercice de notre part “humaine” et celui de notre part “inconsciente”—au-delà de notre existant visible, incarné, et qui pourtant entretient des relations étroites avec lui : des échappées comme des lapsus récurrents. Et il y a l'enjeu de l'assemble entre les deux—en voie du milieu. Qui est-on vraiment ? Un pantin souple dansant ? Une poupée maladroite gesticulant ? Un automate fou se débattant ? … Ou bien encore, une créature—pour le moment “terrestre”, destinée à devenir une “entité” agissante et impactante sur la réforme et l'évolution du réel ? … J'ai un rêve : celui d'être cette créature—non privée du plaisir de vivre et de ressentir, d'appréhender et de connaître, d'échanger et d'exister. … Et travaillée dans le sens de cette question-là. Sinon, à quoi bon. …

akmi, “L’Arbre de ma vie - Journal d’une illuminée” (extrait), octobre ‘16

*1 • Processus spécifique de la phénoménologie de Husserl, la “réduction phénoménologique”—ou “réduction transcendantale”—consiste en un effort pour arriver à la source de la signification du monde vécu à travers un mouvement qui fait qu'on cesse de voir celui-ci d'une manière naturelle et quotidienne pour le voir d'une manière réflexive en tant que phénomène pur. Une telle méthode implique la mise entre parenthèses de tous les jugements concernant l'existence du monde, c'est-à-dire une suspension (en grec épokhê) de tout jugement à propos de celle-ci—de sorte qu'on ne la présuppose pas, ni ne la nie, ni ne l'affirme.

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