ma convergence à l’autre / avec les autres


Lundi 28 Mai 2018
Qu’est-ce qu’être soi ? Jusqu’où l’est-on exclusivement ? A partir de quand devient-on un bout de ce qui habite l’autre ?... les autres ? jusqu’à s’étendre au monde ?
C’est quoi “la substance” de ce que l’on vit ? Pourquoi, comment diffère-t-elle de ce que vit l’autre ? Et si on échangeait, on partageait, on mélangeait “nos substances” pour indistinctement les fusionner dans un pot commun ? Perdrions-nous le “sens individuel” de nous ? Qu’y gagnerions-nous ?... de l’expérience comme un raccourci de vie ? On accélèrerait, on consumerait davantage nos vies ? Qu’a-t-on à perdre de soi... qu’on ne perde quand on meurt déjà ?
Mes questions explorent un territoire que je ne sais connaître ou pas. Ce qui est plus certain, c’est que pour parvenir à ces questions, ma vie a dû beaucoup s’extraire du lot commun pour s’individu(alis)er dans l’expression d’une fantaisie “disruptive” constante. Cela veut-il dire que je ne suis moi-même pas apte à “mutualiser”, et à évoquer cela ? Ou cela induit-il que je propose de “mutualiser” à un niveau “autre” de conscience (de soi et des autres)... sans déroger à mon goût pour la richesse et la précision d’une hyper-singularisation de nos vies respectives ? Chacune de nos vies manifestée comme une partie nécessaire, indispensable du Tout.
Car, si “on se ressemblait tous”, le système collectif que nous avons la chance de former actuellement s’effondrerait—se déliterait, se désagrégerait, se dissoudrait... (... ne se serait même jamais “formé” !). Nous, comme les maillons ciselés d’une chaîne, comme les pièces bigarrées d’un puzzle.
Mon hyper-singularité est ce qui est susceptible de me faire être “éjecté(e)” du groupe, ou ce qui est susceptible de me faire y être intégré(e) au nom de ma forme propre—mes talents, mon intérêt, propres. Soit je m’écarte (un peu) “de la bande” et vis ma vie sans symbiose sociale directe, soit je deviens le rouage du Tout nécessaire avant tout à ma propre survie (car nul n’est non plus tout à fait irremplaçable !?). Ainsi le Tout évolue-t-il lentement—avec des phases d’accélération, de bifurcation rapide, de révolution !, entraînées par des leaders charismatiques aux allures très singulières / singularisées, et qui ont des visions pour le groupe ! Un leader cumule-t-il une puissance égotique hors norme avec une capacité d’oubli de lui équivalente ? Pour atteindre la seconde faut-il avant tout se structurer dans la première ? Proposer implique la différentiation de soi ; diffuser implique l’imitation par les autres. ...
Doit-on s’imiter les uns les autres ? Dans quelle mesure ? Qui imiter ?.. ....
L’imitation est un processus naturel : on naît physiologiquement (neuronalement) “câblé” pour cela. “Imiter” est ce qui permet l’apprentissage, et “simuler”, ce qui permet l’empathie. Je me développe parce que j’apprends des comportements et des usages au sein de mon environnement, en actionnant en moi le “as if” (le “comme si”) de travail off-line (dans les coulisses de moi-même). Alors, à partir de l’exercice de ma perception, je deviens apte à l’action (cf. —couple PERAC). L’imitation est la forme basique de la transmission. Elle permet à l’enfant d’assimiler les connaissances de manière incarnée (“embodied”) et intégrée (“embedded”) ; située et “couplée” sur le plan de l’enaction. L’imitation est un ciment de liaison entre les agents vivants qui luttent pour leur survie et/ou protègent leur développement ; ou encore, favorisent l’éducation de leurs petits.
Imiter les “bonnes sources” reste le souci et la question. Ce sont des sources qui oeuvrent pour le bien commun—comme ce que l’on appellera par exemple une “société éveillée” (Principe shambhalien largement exploré par le Sakyong Mipham Rinpoche). Mais ici il nous reste à bien comprendre que, pour cela, il n’est pas nécessaire de “se diluer” jusqu’à disparaître dans le bien commun ; bien au contraire, nos forces vives sont appelées à s’individuer optimalement, afin aussi de répondre aux besoins “experts” spécifiques de la communauté. Faire coïncider les deux optiques est la clé de la fluidité (et de la réussite). Parfois, c’est long et difficile : il nous faut saisir les opportunités qui se correspondent (qui “matchent” ensemble), pour espérer que la croissance individuelle et l’épanouissement collectif coïncident.
Le motif reste toujours le même : la synchronisation des émergences ; l’adéquation simultanée des différentes poussées pour l’avènement d’une synthèse.
Pas de “moi” super-autonome sans présence des autres “moi” pour me façonner à la périphérie de moi. Je suis verticalement “reliée” à mon Soi, et je m’accomplis selon son programme ; je suis horizontalement “intégrée” à mon environnement, mon altérité, pour me permettre d’enraciner mon terrain dans un contexte précis de formes incarnées. J’apprends ontologiquement de moi (de mon Soi : je me guide par Lui) ; j’apprends phénoménologiquement des autres (pour m’implanter quelque part, sous une certaine forme transitoire). Mon Soi est donc “mon ciel”. Les autres sont donc “ma terre”. Je me modèle des deux, en voie imperturbable “du milieu”. Dans ma vie, il peut y avoir des phases avec plus de Soi, et d’autres avec plus d’altérité. Des phases avec plus de solitude réflexive, et d’autres avec plus d’implication relationnelle. Ce qui est ok, c’est de demeurer dans la présence à l’ensemble—sans anticiper de trop les configurations de route—successives, et par nature imprévisibles.
Chaque matin, se re-situer par rapport à soi—à son oeuvre, et à ceux qui l’intégreront (ou non).

akmi, 28 mai ‘18 - 5h38

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