synchronie 2001-02

Jeudi 19 Avril 2018

Implications de la synchronie dans la fonctionnalité, l'expérience, la nécessité, du vivant physiologique et mental [ -texte libre -en appui et première approche de l'arbre relationnel cognitif ]

Liens externes : _ cognition & création (de soi) ' 02-09 • http://bit.ly/arbre-coghttp://bit.ly/self-other_activating (towards morality).

#illuminationVarelienne
L'Arbre Relationnel "cognitif" [1/2] (2002). Cliquer.

L'Arbre Relationnel "cognitif" [2/2] (2002). Cliquer.

Gustav Klimt, Le Baiser, 1908-09. Travail photo.
Pourquoi parler d'une chose si simple d'une manière apparemment si complexe ? Je pense que décrire avec les mots ce qui relève de l'expérience est un exercice voué à la prouesse. "Dé-lier" ce qui est naturellement lié sur le fil de nos vies -structurellement intensifié en posture scénique, puis le "remonter" en pratique éclairée, est un petit miracle. C'est qu'au passage, une chose peut-être aura pu se transformer : l'écoute. Ecoute de la vie en soi, écoute de la vie dans l'autre, écoute de l'enclenchement des deux écoutes quand mutuellement on "s'intériorise" pour après "se dire" à l'endroit juste de la vie pour l'autre. Il y a du secret là, autant de secret que celui qui lie un concertiste à son instrument. Il faut apprendre à jouer ensemble. Apprendre l'autre comme un instrument. Qu'il fasse de même, pour ensemble jouer la synchronie.
L'être ensemble est inné, probablement. Certains sont pourtant mal nés, nés mal entourés, nés traumatisés, rendus de l'intérieur fragilisés, apeurés, ou endurcis, caricaturés. Se remettre sur le fil sans fragilité, ni dureté, est alors bien compliqué. Nous ne sommes que le fruit de notre évolution. Si l'évolution, la contrainte extérieure, a été mauvaise pour nous, tout est alors fonction de notre résistance intérieure spontanée ... Des enfants se révèlent alors mieux que d'autres. Mais lorsque, pour survivre, la matière a dû se défendre et s'adapter pour de bon, et pour cela ancrer sa forme physiologique, neurologique, dans une organisation interne des substrats qui fait mal -parce que les sujets sont les principales victimes d'eux-mêmes ... alors il faut retourner s'attaquer à la matière -par la pratique. Et ainsi espérer la remettre au coeur de l'écoute, là où l'on perçoit la vibration.
La vibration est une donne structurante pour les fragiles, adoucissante pour les cassants. Car elle permet, elle oriente vers, elle donne envie du mouvement. Les choses ne naissent en avant que par le mouvement. Les choses ne perdurent que si on les génère, puis on les accompagne, sur la voie du milieu -celle du mouvement. Regardons-nous : des os, des muscles, de la chair -une stature, une dynamique, une sensibilité. Tenir, marcher, capter. Centrer, aller, pénétrer. Des muscles, une dynamique, marcher, aller ... la voie du milieu.
Ce que je cherche à dire -et qui je l'espère sera perçu, c'est que toute pratique permettant, conduisant à l'émergence du temps présent est une bonne pratique. Et que cette pratique, si elle se constitue pour chacun dans le secret de sa conscience, n'en reste pas moins faite d'universels. Le corps physique est un universel. Le corps mental aussi. Tous d'eux ont des processus de santé à la base de leur puissance phénoménologique. Ces processus de santé -quand on les étudie dans la théorie, procèdent d'une triade. Celle qui fait tout l'objet de notre démarche ici: l'internalisation des boucles perception-action. Trois mots ; trois personnes dans la conjugaison.

1) QUI - SELF

La 1ère : le je, le moi, le sentiment de soi, le vécu phénoménologique -l'expérience subjective de la vie mentale, sensorielle, émotionnelle, telle que l'attention à l'intériorité de soi (les techniques d'introspection) peuvent en rendre compte: comment je me sens ; si je peux décrire mon état, comme je pourrais le faire d'un monde, d'une couleur -passagère, captée là dans le flux des mouvances qui m'animent, que ce monde, cette couleur, le soient dans leur globalité perceptive: internalisés en 1ère personne -c'est à dire par un sujet ... pris dans son entièreté.

[ embodiment - qualia ]

L'expérience en 1ère personne est la confrontation d'un événement sur une unité psychophysiologique: le sujet. Le réactionnel, lié à l'expérience de l'événement, est motivé, tant par les soutènements physiologiques du corps qui animent mon humeur, que par l'imagerie mentale qui en découle. En situation, mon état mental appréhende, traduit, reproduit, accompagne, les solutions que mon corps exprime en premier, et que mon émotion fait simultanément remonter. Lorsque je crée en 1ère personne, je fabrique en moi la bonne circulation des trois agents qui me constituent. Le rendu de mon expérience est une intrication des trois en réaction à l'intrus, l'événement, la situation, l'altérité. Dans ce cas, la description d'un monde, d'une couleur, ne relève pas de caractéristiques ou de propriétés internes à l'événement, mais bien de la manière dont cet événement mobilise en moi des ressources -en fonction de la nature même de ces ressources. Ici, la description est l'histoire d'une rencontre. Celle d'un événement sur une substance, un terrain. J'avancerais bien: une prise femelle. Calée sur trois niveaux de résonance et d'expression: le mental, l'émotionnel, le physiologique. Le corps réagit, l'émotionnel traduit, le mental structure -tous fonction des réponses de stabilisation (ou de projection plus loin) appelées par le système pour amorcer l'intentionnalité, puis le retour par l'action.
Me considérer comme un ensemble de modules me conduit à la nécessité d'un lien dynamique absolu entre eux. Si ce lien existe mal, nous obtenons ce que nous appellerons des "blocages". Le champ d'énergie n'est alors plus mobilisé dans le sens d'une émergence d'état pour le sujet. Il n'y a tout simplement plus d'émergence d'état -désolidarisation -déconstruction -échec de l'expérience. Je ne pense pas que cette description relève d'une quelconque pathologie. Elle semble davantage se profiler comme une insuffisance, une absence de capacité de lien entre soi et les événements, car ce qui ne se constitue pas en soi de manière unifiée se montre consécutivement incapable de réception et d'impact sur l'extérieur.

2) COMMENT - PRAXIS

Entre alors la logique de la 2nde personne : le tu, toi, le lien de moi à toi, de moi à moi. Quel est-il, s'il existe bien et est susceptible de pouvoir se créer, ou s'abîmer, s'altérer ? Le mouvement. La 2nde personne, c'est le lien par le mouvement, par l'action. Ce lien recèle ceci de magique que lorsqu'il me lie à moi-même (lorsqu'il engage la stimulation synchrone de l'entièreté qui me constitue), il me relie de même aussitôt à l'autour -le contexte et autrui qui l'habite. Je ne peux entrer en relation avec autrui que si je me trouve libéré de la question du contact avec moi-même -que si ce contact intérieur, préalable à la possibilité du contact avec le dehors, opère sans même que je m'en rende compte.

[ présence-conscience - contact dynamique corps-mental-monde / soi-autre-environnement ]

Les pratiques permettant l'activation intégrale de l'organisme rendu disponible au réactionnel non-anticipé, sont des pratiques de détente, relaxation, de concentration, mémoire, stimulation sensorielle, imagination, invitant à mobiliser le geste dans la perception du seul instant présent. Les traumatismes liés à la peur engendrent des dispositifs internes d'anticipation maximale d'où résulte une fermeture à l'opportunité -une incapacité à se lancer ou un durcissement de sensibilité. Ce sont ces dispositifs qu'il faut attaquer ... pour ne plus anticiper (plus qu'il n'en faut), et tranquillement se rediriger vers l'accueil du moment présent. L'anticipation outrée, la fermeture à l'environnement, ne procurent aucun plaisir. L'absence de lien, l'isolement, génère la mort de l'organisme -plus assez mobilisé dans son activation vitale. Le secret est alors de retrouver le fil du plaisir. Ce qui procure du plaisir restructure les espaces de cohérence et d'envie, les envies d'aller vers, de rentrer en mouvement, parce que le bien être nous tient et que naturellement il nous entraîne sur le fil du lien ... sur le fil des secondes et du temps qui à leur tour nous lient à lui. A un moment, on ne s'est plus rendu compte, mais on était bien. Le fil du temps est devenu le fil de l'être en mouvement, concentré sur le simple maintien de ce plaisir du lien et du laisser venir avec le moment, l'action, dans lesquels on fusionne notre présence, notre présent. Nous devenons cette action. Notre conscience devient l'expérience de cette action en train de s'accomplir et qui nous donne du plaisir. Elle s'oublie et pourtant simultanément veille à ne pas perdre sa vigilance et son contrôle sur l'événement.
Ce qui nous soude, nous coordonne, c'est l'action, le mouvement. Ce qui nous propulse vers l'action, c'est l'envie, l'intentionnalité vis-à-vis de l'événement, vers autrui. Action et relation à l'environnement bouclent donc sur elles-mêmes. La relation à l'environnement nous tire vers l'action. L'action nous permettant la relation à l'environnement -dans l'unique mesure où elle commence par nous contraindre à la cohérence psychophysiologique -en fait, par l'oubli de cette cohérence, spontanément auto-réalisée. Action et relation enactent, dira-t-on: se co-déterminent l'une l'autre, se permettent mutuellement -l'une provoquant l'autre.

3) QUI - OTHER

1ère, 2nde et 3ème personnes se permettent l'une l'autre. La 2nde faisant office de bloc dynamique pour la bonne opération des deux autres: le lien en soi par/pour le lien autour de soi. Le lien autour de soi entraînant, sollicitant, contraignant -nécessitant, le lien en soi. Comme un appel, la rencontre en 3ème personne résume tout le travail du vivant. Rencontrer l'autre, c'est se rencontrer soi à l'endroit où l'on n'est pas -pas forcément. Rencontrer l'autre, c'est se déclencher soi, à l'endroit où se trouve l'autre. C'est donc déjà se montrer capable d'émergences unificatrices en soi, d'expérience -car pour faire résonner en soi l'expérience d'autrui, il faut déjà pouvoir faire résonner la sienne en soi.

[ enaction - simulation - tom ]

Je n'identifie et intentionnalise le geste [ biologique ] d'autrui que si je le connais pour moi -dans sa motricité, et sa combinatoire d'expressivité à la fois physiologique et psychologique. Que vit autrui dans ses circuits lorsqu'il bouge, se donne à lire, à capter ? Il vit ce que je pourrais en fait simuler de la même manière dans les miens si je le faisais moi-même. Cette simulation peut prendre le temps d'une mentalisation longue, solitaire, reconstituée sur le fil des multiples sensations enchaînées, comme elle peut s'opérer au fil de l'action -chacun dans son mouvement -voire chacun dans le mouvement de l'autre. Intuitivement alors, ce qui a opéré pour la coordination de soi, on le sent devoir opérer pour la coordination avec autrui. Les synchronies internes du corps, des patterns neurologiques, physiologiques, psychologiques, semblent devoir opérer avec celles de l'autre sur des rythmes alternés -des tours de parole, ou des rythmes simultanés. Dans ce derniers cas, le laisser venir synchrone mutuellement donné est le témoin, l'oeuvre de la plus grande enaction. L'autre me fait naître à moi-même -parce qu'il m'écoute et se synchronise selon ce que je peux entendre, recevoir, en fonction de ce que je suis. L'autre préalablement a capté qui je suis et dans cette mesure je peux m'abandonner à lui, avec lui ... au fil de ma perception de ses états à lui.
On le voit bien, quand on se laisse aller sur un fil on-line temps-réel de l'action, la co-dépendance, co-intrication, entre les agents est totale. La verticalité et la pénétrabilité de chacun est induite et assurée. L'expérience est alors limitrophe d'une préservation du soi et celle d'une simultanéité d'existence avec l'autre. Phénomène qui nous rapproche de la définition [non]dualiste des états quantiques dits de complémentarité -induisant à la fois les notions de superposition, de probabilité et d'incertitude.

4) QUOI - PHÉNOMÉNOLOGIE

[ voie du milieu / qualia ]

La théorie le dit. Les états en 1ère personne se vivent, se décrivent, dans le champ des qualités de l'expérience humaine -le champ des multiples facettes de l'expérience mentale, émotionnelle, du vivant, lorsque celle-ci s'accompagne d'une sensorialité pleinement incarnée et revendiquée pour exprimer l'entièreté de la chose vécue (un plaisir, une douleur, une qualité d'énergie vitale -liée à la réactivité, l'épousement entier d'un corps qui éprouve et concourt à l'expérience). Cette qualité d'état -qu'il est donc possible de décrire d'une manière rendant patente la convergence, la mixité, des phénoménologies simultanées: ce que je sens, ce que j'éprouve, ce que je produis mentalement, s'appelle “qualia”. En terme d'expérience, nous pouvons nous décrire comme un continuum, un film continu, parcouru de qualia. Le sens de ce terme est beaucoup controversé -certaines contributions ayant tiré le concept vers sa restriction analytique au dépend d'une phénoménologie réellement respectueuse de la 1ère personne. L'expérience de la couleur y est particulièrement discutée. Par exemple, l'expérience inversée. Nous n'entrerons pas dans ces débats. Car notre seul objet est de pousser l'expérience -et non la contradiction sur l'expérience.
A propos de l'expérience de la couleur, des pratiques existent. L'une d'entre elles est la pratique Maïtri -intégrée aux enseignements Shambhala de Chögyam Trungpa. Les familles de couleurs -investies en immersion sensorielle (via le port de lunettes), donnent lieu à des descriptions psychologiques reflétant pour chacune l'état d'animation de l'être [ son mode de résonance, de mouvance, d'émergence ] momentanément induit par l'effet de l'exercice de sa mentalisation. Si chaque couleur détient temporairement un caractère génératif d'excitation propre, plus globalement, on constate aussi que nos personnalités sont elles-mêmes susceptibles d'être caractérisées relativement aux profils psychologiques découlant de l'expérimentation du spectre coloré. De manière plus permanente, ces qualités d'être, d'énergie, sont donc également intégralement propres, spécifiques, à des personnes. C'est également ce que nous retrouvons dans les très belles descriptions des mondes du Bardo -du même Chögyam Trungpa.
Une fois le spectre d'expressivité de la vie rendu expérentiel par la pratique, un second questionnement concerne la [non]dualité de sa combinaison racine. Il est très difficile de parler de cela, d'oser parler de cela. La prétention est immense. Ce qui ne sera pas de notre compétence. Ceci pour simplement introduire la notion très générale, et pour le moins omniprésente, de "voie du milieu". Ce qui suit, je ne ferai que prudemment l'évoquer, tant on ne sait ici si la tâche serait plus hasardeuse, ou plus surdimensionnée. J'avancerais bien pourtant que cette voie du milieu suit un axe-maître de croissance/évolution -mu, parcouru, par deux types d'impulsions: 1] l'une privilégiant l'émergence d'un tracé médian enactif [ co-contraint, co-défini ] entre deux polarisations latérales quantiques: le matériel et l'immatériel ; 2] l'autre structurant -en co-dynamique amont/aval/amont [ou cadre-matrice/composants-actualisation], deux types d'activités génériques liées aux notions d'invariants/variabilité, d'éternité ontologique et de présent phénoménologique, de construction-stabilisation et de mouvement-réactivité, de solidité et de fluidité, de connaissance et d'expérience, de global et de local. Nous naviguons tous dans nos vies [ sans bien le savoir souvent ] dans les limites mélangées de ces deux principes fédérateurs -très tao. Nous pratiquons tous [ en principe ] la voie du milieu. Celles des rives et du fleuve. De la structure et de la vibration. Des os et de la chair. Et pour le milieu: des muscles pour mettre le tout en mouvement.
Mais revenons au principe d'émergence quantique [non]duelle -immatériel/matériel -onde/particule. La modélisation actuelle des mathématiques liées à la simulation des processus du vivant, tendrait à montrer que le transfert informationnel vers le substrat biologique [ acteur de ses fonctionnalités et modalités opérationnelles ] s'opèrerait par segmentation de zones homogènes [ auto-corrélées, synchronisées en interne ] délimitant chacune un espace d'oscillation avec une fréquence propre [ un codage, une étiquette temporelle propre ] et fonctionnant en réseau. Au sein de l'aire visuelle v1 par exemple [cf. travaux de Jean Petitot], on pourrait observer le travail de véritable colonnes neuronales, chacune fréquencée de manière autonome pour la détection d'une objet-contour particulier. En cas de stabilité, continuité du signal, ces colonnes se synchroniseraient ensemble pour délimiter un zone plus large. En cas de rupture, de variabilité d'intensité du signal, la cross-corrélation inter-colonnes se désynchroniserait, marquant ainsi les discontinuités du pattern observé. On voit ici que la mathématique conférerait donc sa fonctionnalité à la matière via un pragmatisme incarné tirant directement parti de la forme anatomique et du mode dynamique du terrain mobilisé, activé. On peut dire qu'il y aurait transfert de la computation dans la forme, la dynamique, mêmes des configurations matérielles impliquées. La voie du milieu d'émergence du vivant doit certainement beaucoup à cette règle simple, parcimonieuse et économe des ressources énergétiques des systèmes. Lorsque nous sommes en mouvement, nous pouvons de même observer que la somme de nos efforts trouve souvent sa facilitation, sa fluidification, dans le fait même de se trouver de fait radicalement incarné, en intelligence pragmatique avec le monde, nos formes et ses formes.

5) QUAND - DÉVELOPPEMENT

[ mental des cellules / conscience implicite ]

Une fois que l'on est habité par l'attention au type de respiration qui réciproquement lie le je au tu, puis à l'infinie richesse des qualités d'expérience enactées au sein du complexe psychophysiologique intime, secret, de chacun, mis en phase par le mouvement, l'intentionnalité et l'action -une fois donc que le comment des ressorts-souche de la vibration synchrone a été réalisé, l'ultime question est peut être celle de savoir où désormais se placer pour "le mieux écouter" et maintenant réellement "visiter". Quel endroit ? Quel moment ? Pour capter la chose dans son cri le plus net, le plus nu ? Quelles limbes pour recueillir le plus clair, primordial, de la vibration ? Ou placer le mieux le lieu de la perception, le temps de l'écoute ?
Peut-être à l'origine qui est aussi l'origine de soi. La période cellulaire -celle où s'opère de gamète à gamète le transfert et le partage de la vibration pour un organisme nouveau. Nous avons tous été une vibration originelle. Notre biologie s'est bien enclenchée là -dans un concert d'oscillations synchrones entre cellules et constituants de cellules. Pourquoi le retour à cette oscillation, puis à cette première pulsation, en soi, nous paraît-il si important ? Parce qu'il est une loupe sur la nature éminemment synchrone de la rythmique de notre constitution. Parce que l'écoute renouvelée de cette toute petite chose peut nous amener à nous ré-enclencher sur la perception synchrone de plus grandes. A commencer par soi, dont les ressorts et épousements physiologiques et mentaux peuvent s'appréhender, s'éprouver, eux aussi nouvellement -au départ plus attentivement -puis simplement plus naturellement, quotidiennement.
Le type de conscience et de présence au monde alors change. L'acuité sensorielle et la productivité, la créativité, de l'imagerie mentale se trouvent affinées, décuplées. Ne faisant en fait plus qu'une. On voit, on entend, on vibre avec, on est traversé dedans. Le soutènement du corps -capté originellement, en appui aux vibrations imaginatives, constructives, du psychisme, donne de la consistance, de la résonance, des contours, de la finesse, de l'assurance, de la connaissance, de l'amplitude, de l'envie et du goût, à l'action. L'état d'enfouissement mental, replongé au stade d'écoute d'une sensorialité première avivée, ré-habite le monde de couleurs. Les états de conscience sont alors à même de ré-innerver chaque recoin de saveur. Les teintes deviennent multiples, intermédiaires, se contrastent, se nuancent. Chaque rythme entendu, épousé, est source de singularité, d'attention, de présence au monde.
Chaque épousement est une extension de soi intégrée, unifiée, dans soi par cooptation rythmique. L'expérience du monde, sa cognition, s'effectue sur le fil du film stéréoscopique physio-mental qui couple les ressources de l'être humain en une enaction phénoménologique interne [ qualia ], elle-même couplée au monde externe. Rien ne préexiste à cette conscience en chemin, incarnée, sensorielle, mentale, éveillée, tendue, élastique, sur le fil du temps présent. La représentation en tant que telle ne préexiste pas à son appréhension par le corps dans le rythme et la soutenance de l'action. La seule représentation du monde échoue à la cognition. Fort de notre acquis occidental cartésien, et de ses structures intellectuelles -vaillamment exercées tout au long de notre éducation, comme l'animal, ressoudons nos niveaux de connectique au monde. Ressoudons nos réseaux multi-sensoriel, sensori-moteur,... implicite et explicite, dans le lien au seul instant présent, plus immédiat que redescriptif, plus intuitif qu'analytique -lancé dans la création -le simple et si complexe geste créatif. Creusons en nous le chemin. La seule écoute du petit moteur synchrone initial -hôte génétique de chaque cellule animée, peut nous inviter à retrouver, ré-identifier en nous, cette respiration -actrice en nous de verticalité, de marche et d'action. Cette respiration, soutenue par une base rythmique expérentielle intégrant l'intelligence du corps, de la matière, et l'enregistrement, le traitement, les résurgences de l'inconscient [ toutes ressources dont on oublie souvent qu'elles sont à portée de nous, là, présentes, naturellement constituées et qu'elles nous servent, nous régulent, nous canalisent -sans véritablement de conscience, ni de concept et encore moins de langage ], devient alors notre leader, notre hôte, avant de devenir nous-mêmes.
La faveur de la conceptualisation, de l'abstraction, en occident, tendait à faire gagner l'humanité en clarté et articulation représentationnelles. Le réenfouissement sensoriel vertical tendrait peut-être désormais à reboucler l'humain sur ses fonctionnalités de bas niveau, avec pour finalité de rejoindre (à nouveau) la sagesse d'une voie du milieu équilibrant pleinement notre nature dans l'instant, à la jonction du corps et de l'esprit -des deux ensemble.

6) OÙ - RENCONTRE

[ co-maternité humaine / individuation ]

La description d'une telle expérience en appelle une autre: celle de l'être avec l'autre. Rien n'est plus beau peut-être, une fois maîtrisée sa propre respiration, que d'aller gagner celle de l'autre. Mon expérience présente est le fruit de la rencontre d'événements mâles sur un terrain femelle préconstitué -mon substrat physiologique et mental en posture récapitulative incessante des expériences du passé pour assurer les prédictions, anticipations, vigilances, nécessaires à ma survie ou à ma simple habilité comportementale, relationnelle, sociale. Mon expérience présente vient se sédimenter sur d'autres et apporter sa contribution à la structuration de l'ensemble. Ce que l'autre opère sur moi en me proposant l'opportunité d'une expérience, je l'opère aussi sur l'autre. Nous sommes tous des terrains sédimentés les uns par les autres, co-fécondés les uns au travers des autres. Les mondes, les qualia, que je ne connais pas, l'expérience de l'autre -parallèle à la mienne, mais différente, peut m'amener à les pénétrer par projection-simulation à partir de sa base à elle -qui s'offre à moi. Ce qui s'offre à moi quand je rencontre un être, c'est toute la vastitude d'un mystère cohérent [ ou incohérent ] fabriqué au fil du temps, des contextes et des rencontres alter. Des résistances, des saillances en lui se sont renforcées, des mondes se sont individués. Entrer en écoute synchrone avec l'autre, c'est alors entendre ses mondes, voir sa/ses couleurs, saisir la dynamique mentale de ses mouvements [ biologiques ]. Comme un tableau, reconstituer son image, sa substance, sa topologie, l'empreinte des multiples qualia de son expérience et l'organisation, la hiérarchie, la mobilité alors induite par l'ensemble. Capter, trouver les clés, les angles, qui nous rendrons sensibles, intelligibles et praticables, les couches profondes de l'être qui naît à nous et auquel nous naissons, devient notre objectif, notre mobilisation. Cet être vis-à-vis duquel nous pouvons alors choisir notre approche, notre distance, notre méfiance ou notre confiance, notre degré de connivence, d'affinité, de complémentarité, jusqu'à l'intimité. Tout cela peut se passer très vite ou prendre beaucoup de temps.
Ce travail au sein du couplage alter que nous formons avec l'autre -ou que l'autre forme avec nous, opère simultanément en gain d'expérience pour les deux parties. Gain de perception [ internalisée, reconstituée, simulée ] sur des expériences de vie alter ainsi indirectement assimilées. Gain de définition de soi par positionnements successifs et devenir conscient répétés dans l'entrelacs de la relation.
Le manque de l'être de l'autre peut devenir une précarité générative pour soi. La soif qui fait tendre vers la rencontre, la relation, l'échange, peut rapidement devenir l'axe de redirection et de propulsion moteur et vecteur de toute notre intentionnalité et action vers. Cet axe devient alors le pilote de notre [re]construction, celui du développement en cours de tous nos efforts pour fabriquer, constituer, le placenta relationnel qui ancrera dans la chair et le temps la stabilité, le rythme, la nature du lien avec l'autre. En déployant tant d'efforts, je me travaille, me construis, affirme ou confirme les bases de mon ressenti au monde -dans sa phénoménologie la plus large, celles de ma navigation dedans, ainsi que celles de mes talents à polariser ou non l'intérêt du plus grand nombre. Cette individuation -lue par autrui -à la pointe ultime de toute expérience engagée, unique et singulière, est bien le fruit de ce que nous appellerons la co-maternité humaine -réelle ou espérée, et de son potentiel motivationnel débordant, extravagant, appelé à élever l'espèce à un destin toujours plus personnifiant et collégialement unifiant.

akmi, révision le 25 05 ‘02

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